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Coiffé d’un chapeau vert soviétique d’Elvis Pompilio qu’il admire, Marcin Sobolev (né à Bruxelles en 1981) n'en fait qu'à sa tête parmi ses sculptures toutes au garde-à-vous pour sa première exposition personnelle à la galerie Nosbaum & Reding. Ses constructions utopiques, observatoires et habitats précaires voire nomades, méritent assurément d’être visités. Ainsi de l' igloo encordé sur pilotis avec chemin de fer dessiné de bois, ou encore les abris de fortune, sortes de cabanes à oiseaux surmontées d'antennes paraboliques improbables, de pompons, plumes et bouchons aux airs de fête.

Dès l'entrée, comme un protocole au voyage, une armée de figures de bois en position d'avant-garde se dresse face au visiteur comme pour l'accueillir. Un dessin en grand format (encre de chine, bombes, gouache, magicolors), où Marcin, alias Martin le pêcheur (il lui suffit de traverser la route pour aller pêcher le poisson dont il se nourrit, face à son atelier), pique l'encre ou allonge le cerne des coupoles et des arbres, avec une précision du trait presque trop marquée. Ses oeuvres ont la sûreté d'une expression enjouée unie à la forte composante de ses origines qui le lie à la Pologne et la Russie. Un univers visuel infiniment détaillé, tissé de lignes et de points qui dessinent les repères de la mémoire enfantine. Des motifs de la tradition et du folklore, animaux symboliques, architectures orthodoxes, revisités à la manière d'un enfant qui s'empare des objets et des secrets que ceux-ci contiennent. Sobolev construit et assemble pour faire un monde.

C'est de cette mémoire transplantée qui est la sienne, reconstruite de toutes pièces à partir d'un imaginaire volontairement naïf et mordant comme l'acide que Marcin traite ses sujets tels des bouleaux abattus ou calcinés en Russie, redonnant vie à des formes qu'il prend soin d'élaborer avec minutie.
 
Marqué par les contes russes que lui a transmis sa grand-mère, Marcin garde une mémoire en patchwork d'un pays de rêves aux couleurs de l'arc-en-ciel. Il aime l'heure où les chats sont gris. C'est dans la nuit, à l'instar d'un autre oiseau perché à Bruxelles, Bonom, qu'il se joint à la saga des incompris. Il pratique le graffiti dès l'âge de 10 ans, ce qui lui vaut quelques gardes à vue dont il retient des images que les détenus ont piquées sur les portes à l'aide de fourchettes en guise de protestation. Cela ne l'empêche pas d’entreprendre une formation d'ébéniste, dont il valorise aujourd'hui le savoir-faire par l'alliance de matériaux humbles et de techniques traditionnelles. Sapin de Pologne, panneaux de constructions Osb, lin de Lettonie, coton, laine, fils barbelés, brique rehaussée de feuilles d'or qui, tel un lingot, pèse désormais plus qu'une rustine.

Ou alors, il chausse les jambes de bois du mirador de verre perché sur de fins escarpins couleur rouge et or. Le paysage macabre et poétique d'une forêt russe ou polonaise, désolée, en devient abrité par un mirador magique. Les pages de carnets de dessins accrochés aux branches des arbres relatent des rites sataniques de la mafia. Ces sculptures pourraient tout aussi bien être réalisées par un enfant surdoué atteint par Tchernobyl et dont les fantômes planent au sein de forêts où il rêve de croiser un jour Ulysse face au cyclope. Il y a aussi ce carnet géant, annoté de « J'aime mon nouveau papa car il a beaucoup d'argent », l’œuvre de la main d'un grand gamin qui nargue malicieusement ses camarades ne parlant pas sa langue.

Plus loin, cinq bouleaux pointent la vie qui se renouvelle au milieu des cendres d'un régime révolu. Les hirondelles captives aux formes rondes de poupées russes, symboles de l'Est et de l'immigration, semblent y tenir des conversations dans une langue slave dont on ne saisit pas la gravité. Comme les oiseaux migrateurs, Marcin voyage dès qu'il peut sur les traces de sa grand-mère. Il croise punks moscovites ou  artistes transsibériens qui alimentent la scène artistique russe de tous bords, à laquelle il se mêle volontiers, avec agilité. Dans des villes emblématiques où tout à la fois les conflits, les traditions, et la violence de l'histoire et du temps le fascinent, il cherche le supplément d'âme qui lui correspond.  Avec l'efficacité de couleurs et matériaux finement contrastés, ce jeune oiseau marque de son trait incisif les murs des villes et des forêts par lesquelles il transite.

En 2008, il a fait une escale remarquée par les appartements d'Andrée Putman, pour qui il réalise une œuvre  qui s'intègre à l'architecture, un tour de force à l'acide, une technique traditionnelle qu'il affectionne et maîtrise, recouvrant d'un motif opaque une verrière de plus de 12 mètres de long abritant la piscine hautement perchée. Le terme de l'odyssée de Marcin Sobolev n'est pas atteint, pas davantage que ses récits. Il rêve enfin de franchir les frontières de la Russie et de prendre une vodka avec Medvedev, dont il affirme convaincu que, outre sa pertinence politique, il est un bien meilleur artiste que Poutine.


H. Bastenier

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Vernissage, le jeudi 9 septembre à 18.00 h en présence de l’artiste

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