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« Entre le peintre et le caméraman, nous retrouvons le même rapport qu’entre le mage et le chirurgien. L’un observe, en peignant, une distance naturelle entre la réalité donnée et lui-même; le caméraman pénètre en profondeur dans la trame même du donné. Les images qu’ils obtiennent l’un et l’autre diffèrent à un point extraordinaire. Celle du peintre est globale, celle du caméraman se morcelle en un grand nombre de parties, dont chacune obéit à ses lois propres. »
– Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique (1936)

Ce passage du célèbre traité de Walter Benjamin apparaît en exergue d’une réflexion du commissaire d’expositions Frank Maes sur les rapports entre photographie et peinture dans l’œuvre de la peintre d’origine luxembourgeoise Tina Gillen . L’auteur poursuit en précisant qu’au début de sa carrière, l’artiste avait un temps hésité entre les deux disciplines, au point de développer son travail en deux directions avant de se consacrer exclusivement à la peinture.


Pour autant, Tina Gillen ne s’est jamais complètement départie de la photographie, dont elle a au contraire fait le pivot de sa pratique picturale. Points de départ d’une recherche iconographique qui prend forme au cours du travail pictural à proprement parler, les prises de vues photographiques – réalisées par l’artiste elle-même, trouvées sur Internet ou extraites de magazines – s’avèrent indispensables au processus de réflexion qui caractérise ses œuvres, dans la mesure où, pour parler avec Maes, elles « définiss[e]nt dans une grande mesure leurs contexte, perspective, ambiance et motif ».


En adjoignant le regard photographique à l’architecture – l’autre axe majeur de sa recherche picturale – Tina Gillen renvoie à un couple paradigmatique de la modernité (l’œil du cinématographe rencontrant celui de l’architecte), qui devait façonner l’environnement de l’homme futur. La peinture lui permet alors d’aller à l’essence des choses au moyen d’un processus de fragmentation et d’abstraction de l’image de départ. Dans un récent entretien avec Eva Wittocx, l’artiste résume ainsi sa démarche : « Si l’image de départ me sert [...] de prétexte pour commencer le travail, elle se confond avec l’arrière-plan au fur et à mesure que je peins. [...] Lorsque je peins, je m’écarte progressivement de l’image de départ pour suivre mon intuition, ce qui me permet de laisser libre cours à mes expériences et émotions. »
Dans les tableaux de Tina Gillen, stylisation, abstraction et déracinement des motifs se conjuguent pour articuler un univers qui, tout en étant généralement dénué de figures humaines, reflète la condition de l’homme dans son environnement. Comme l’explique la peintre : « Je veux que mes images, en étant ancrées dans la réalité qui est la nôtre, nous apprennent quelque chose sur le monde. »

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